Allocution à l’occasion de la fête nationale

Je voudrais, Mme la Bourgmestre, Mrs et Mme les échevins, à l’occasion de notre fête nationale, vous proposer une réflexion  ou mieux une méditation basée essentiellement sur l’éducation. Les derniers événements vécus en France , en marge du décès du jeune NAHEL nous en  donnent l’opportunité. Je voudrais donc dans cette réflexion, mettre d’abord en évidence les quatre erreurs que nous commettons quand nous parlons éducation. Je proposerai ensuite les perspectives pour une l’éducation intégrale des enfants, des jeunes et des adultes bref, de notre société.

La première erreur commise par l’imaginaire collectif, c’est d’inscrire l’éducation essentiellement dans le registre de l’enseignement scolaire et/ou universitaire conféré aux enfants, aux élèves et aux étudiants. Une telle réduction constitue ni plus ni moins une erreur susceptible de porter préjudice au vivre ensemble social dans la mesure où elle surévalue le rôle de l’école en négligeant quelque peu celui de la famille et de la société. Si l’école doit assumer totalement et radicalement non seulement l’instruction mais aussi l’éducation, elle ne doit pas en être le seul partenaire. De plus, l’école comme l’université prend en charge une tranche de la population juvénile. Attribuer l’éducation seulement à l’école, c’est considéré qu’une fois les parcours scolaire et universitaire terminés, les jeunes adultes, supposés suffisamment éduqués, n’en ont plus besoin. Pourtant, s’il n’y a pas un âge pour apprendre, il n’y en a pas non plus un (âge) pour être éduqué. La question reste posée et ouverte : À qui revient la tâche de l’éducation des adultes ?

La deuxième erreur commise par l’imaginaire collectif, c’est de penser qu’étant bien instruit, on est également bien éduqué. On confond alors l’instruction et l’éducation. Si la première porte sur les compétences acquises dans les domaines du savoir, tant théorique que pratique et de l’être, la seconde, c’est-à-dire l’éducation relève principalement du champs du devoir-être. L’être représente l’ensemble de choses qui existe. Le devoir-être, quant à lui, se rapporte à ces choses mais en lien avec les normes et les valeurs. Il n’est pas dit que l’acquisition des connaissances tant scientifiques que techniques influe nécessairement sur la conduite morale et éthique des bénéficiaires. On peut exceller dans les domaines aussi bien de la science que de la technique et du numérique et s’illustrer aussi dans tout ce qui détruit la dignité de l’homme. Quelquefois, l’homme instruit fait de la science sans conscience. Or, comme l’a dit François Rabelais, science sans conscience, n’est que ruine de l’âme. Parfois, tout en étant bien instruit, il reste enclin et s’accroche à ses intérêts personnels au détriment de l’autre, de l’entourage et de la nation. Quel dommage ne fait-il pas subir à la société surtout s’il occupe de hautes responsabilités?

Dénoncer ces erreurs ne signifie pas méconnaître les avantages du progrès de la technoscience qui, aujourd’hui, nous fait baigner dans le domaine de l’informatique, du digital et du numérique. Qui peut mettre en cause des avancées de la communication, grâce notamment à l’internet ? La technoscience a réduit le monde à un petit village. Ce qui se passe à 10.000 km de chez nous, est connu dans un laps de temps dans le monde entier. On peut voyager d’un bout à l’autre en peu de temps. Grâce aux prouesses de l’informatique, nous disposons des appareils téléphoniques très perfectionnés nous permettant de nous connecter dans le monde virtuel et de multiplier les réseaux communément appelés sociaux. Mais quel usage en faisons-nous parfois? Que des montages brisant, détruisant la dignité des autres. Que des manipulations et d’influences pour agir dans un sens comme dans un autre. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde où presque tout nous est permis. Les réseaux sociaux téléchargés dans nos téléphones androïdes, nos tablettes et dans nos ordinateurs ne sont-ils pas érigés en source de vérité? L’appropriation et l’usage des produits de la technoscience requièrent eux aussi une certaine éducation contribuant ainsi à l’épanouissement de l’humain et à la qualité du vivre ensemble social. 

La troisième erreur est celle qui continue encore d’impacter nos sociétés modernes. Elle consiste à penser que plus on s’oriente dans la voie de la rationalisation instrumentale impliquant le développement de la science et de la technique, plus on érige les régimes politiques démocratiques, plus la société se développe et se modernise et les individus s’accomplissent aussi mieux dans leurs existences. On oublie cependant que la sphère de la science et de la technique s’attelle à la connaissance approfondie des phénomènes existants et en les transformant, elle améliore la qualité de vie des hommes. On perd également de vue que la démocratie, aussi importante soit-elle pour un régime qui entend préserver la liberté, les droits et la dignité des individus, ne garantit que le vivre ensemble social. Mais la réalité existentielle des humains ne se limite pas seulement à la dimension biologique et sociale. Même cette dernière, c’est-à-dire la dimension sociale requiert des normes, des valeurs, voire des principes spirituels pour la rendre plus viable, épanouie et accomplie. C’est toute la question du sens de la vie qui ne relève pas de la compétence de la rationalité instrumentale, qui est ici en jeu.

Tous les penseurs, de tout bord confondu, principalement les philosophes et les sociologues, affirment que sans les normes et les valeurs morales et spirituelles, un individu ne peut acquérir la qualité d’une personne humaine de même une société ne peut être société ordonnée. Emile Durkheim parle plutôt d’une société anarchique et anomique. Qui ne se plaint pas de rencontrer des cannettes et des morceaux de papiers jetées par terre au moment où la sensibilisation sur l’écologie bat son plein ? Qui ne se plaint pas de nuisances sonores, de tapages  tant diurnes que nocturnes, des actes de vandalisme et de profanation des lieux sacrés, du manque de respect surtout à l’égard des aînés, d’une justice à double vitesse, constatés de nos jours dans nos sociétés ? La liste des maux est loin d’être exhaustive.

La dernière erreur consiste, comme nous l’avons souligné ci-dessus, à faire porter à l’école le rôle tant de l’instruction que de l’éducation. Certes, l’école est l’un des partenaires éducatifs des enfants et donc de la société. Mais il ne lui revient pas d’en assumer toute la responsabilité. La famille doit se considérer comme la première instance des fondamentaux éducationnels. Mais ne rencontre-t-elle pas des écueils dus d’abord aux contraintes d’une société qui, en exigeant beaucoup à ses membres, leur absorbent tout le temps au point d’en manquer pour leurs enfants? Ensuite, la précarité dans laquelle se retrouvent la plupart de ménages, privés ainsi du minimum requis pour une vie décente, ne rend-t-elle pas inefficace l’action des parents auprès de leurs enfants ? Enfin, la nouvelle considération et la surprotection des enfants par l’État au point de les ériger en enfant-roi et d’interdire aux parents d’interdire à leurs enfants, ne leur a-t-il pas ôté  leur autorité et finalement ouvert la porte à la délinquance juvénile? 

Devant les enjeux et les défis que nous impose l’éducation, quelle voie s’ouvre devant nous ?

Loin de nous l’idée de vous faire une leçon de morale mais si nous voulons bâtir une société où le vivre ensemble est garanti, il ne convient pas de compter que sur la loi et les forces contraignantes pour la faire respecter mais aussi sur l’éducation qui ne concerne pas seulement une tranche d’âge mais toute la population. Les inciviques ne se recrutent pas seulement parmi les jeunes mais aussi parmi les adultes. Cette tâche est dévolue d’abord à la famille, puis à l’école, à l’église, aux associations éducatives, partis politiques et enfin  à l’État. 

Les familles devraient faire l’objet d’une attention particulière de la part de l’autorité publique. Certes, la gestion quotidienne des familles ne relève pas du domaine public mais privé. En revanche, les structures devant permettre aux familles d’assurer leur bien-être et l’éducation des enfants, lui incombent. Il y a lieu d’éviter que les familles sombrent dans la précarité, surtout matérielle. Il revient donc aux législateurs d’y veiller. 

C’est aussi à l’autorité publique qu’est dévolue la mission d’établir le système éducatif et d’élaborer les programmes de l’enseignement. En Belgique, cela ne pose pas problème. Toute la question est de savoir quel type d’homme on veut former et pour quelle société? Si on veut aboutir à un homme bien formé, donc bien instruit, excellant dans les domaines de la technoscience, du nucléaire et de l’informatique, des intelligences artificielles, le programme privilégiera bien entendu les cours qui s’y prêtent. Mais si on tient qu’au bout du parcours scolaire et/ou académique, à former des personnes capables de faire évoluer l’humanité à travers leurs s professionnelles, de bien vivre dans la société mais aussi de répondre aux questions existentielles et antiques du sens, le programme devrait inclure et non exclure, ni réduire encore moins minimiser les cours y afférent. 

Quant aux adultes, l’autorité publique dispose de plusieurs voies et moyens pour assurer leurs éducations: la télévision, la presse écrite, les partis politiques, les différentes associations éducatives et j’en passe. Ne pourrait-on pas envisager des programmes de formation continue, susceptible de d’aiguiller le comportement civique, la gestion des ménages vers le bon sens ? L’église a également un rôle capital à accomplir dans cette mission éducative. Si elle ne se contente que de soigner les âmes en négligeant l’esprit, le corps et l’environnement social de ses fidèles, elle passe à côté de sa mission.  Puisse, en cette fête nationale, le Seigneur nous bénir et accorder ses grâces pour que nous accomplissions au mieux la mission de l’éducation, de la transmission des valeurs qu’Il nous a confiées.  

DENIS KIALUTA LONGANA

Une réflexion sur “Allocution à l’occasion de la fête nationale

  • 5 août 2023 à 17h09
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    Je dois avouer que ce texte est tellement riche qu’il m’a fallu plusieur relecture pour bien comprendre.
    Il faudrait le proposer dans la tribune libre de ollN INFO pour que tous nos concitoyens aie l’occasion de le lire .
    Chacun y trouve un rappel de sa mission dans la société.
    Marie Paule.

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