Le Temps post-pascal
Le temps post-pascal est celui que la liturgie nous propose après la solennité de la résurrection de notre Seigneur Jésus. Il s’étend jusqu’à la pentecôte. Mais ne perdons pas de vue que même le temps liturgique ordinaire s’inscrit dans la mouvance du temps postpascal. Ce temps répond à la question de savoir ce que la résurrection de Jésus nous apporte, quel profit pouvons-nous en tirer et quel intérêt avons-nous à croire en elle. Puisque notre foi repose sur le témoignage des apôtres, elle est donc apostolique, nous allons nous replonger dans leur vie et à leur époque pour nous éclairer sur ces questions.
Les apôtres ont vécu avec Jésus tout au long de sa vie publique. Ils l’ont suivi de près, assisté à ses enseignements et ont été témoins de ses œuvres. Leur vie n’a plus été la même après la résurrection de leur maître. Plusieurs épisodes révèlent qu’avant la résurrection, même accompagnant Jésus, ils n’avaient pas encore pris du recul par rapport à leur judéité. Beaucoup parmi eux s’attendaient encore à un messie politique qui libérerait la Palestine du joug romain. Leur compréhension de l’enseignement de Jésus était encore empreinte d’humains. À la transfiguration, Pierre, ébloui par la splendeur de l’événement, demanda à Jésus de construire trois temples. (Mt 17, 1-9) Le même apôtre réfute la perspective de la passion et de la crucifixion. (Mt 16, 22) Il finit même par renier son Maître lors du procès. (Mt 26, 34) À la mort du Maître, tous les apôtres se sont enfermés dans une maison de peur de subir le même sort que Lui. Le moins que nous puissions dire, c’est que tout n’était pas clair dans leur esprit. Les disciples d’Emmaüs ont clairement exprimé leur désarroi “ Et nous qui espérions en Lui !”( Lc 24, 21) La mort du Maître les a donc plongés dans l’abîme, le désespoir total. Et pourtant, par trois fois, Jésus leur avait annoncé sa passion, sa mort et sa résurrection. Enfermés dans leur judéité, ils ne pouvaient pas l’entendre de cette oreille. Qu’en est-il alors après la résurrection?
Les différentes apparitions du Ressuscité ont été d’un grand secours pour les apôtres. Elles les ont rassurés et ont raffermi en eux la conviction que le mort-crucifié est bien vivant. Le tombeau est vide. Ils L’ont vu, entendu de nouveau. Alors qu’ils étaient encore aveuglés par le drame qu’ils venaient de vivre, leurs yeux étant toujours fermés, ils L’avaient reconnu par certains gestes-signes comme la fraction et la bénédiction des pains et ses enseignements. ( Lc 24, 30-31) Le Ressuscité leur avait ouvert les yeux pour qu’ils le reconnussent, et l’esprit pour qu’ils comprirent sa parole.
Eu égard à ce qui précède, nous pouvons affirmer que la résurrection est la source, le fondement de notre foi. C’est elle qui l’éclaire et la consolide. Saint Paul l’avait confirmé dans son épître aux Corinthiens. Si Christ n’était pas ressuscité, vaine était la foi. (1 Cor 15, 14). La résurrection dissipe toutes les zones d’ombre ainsi que nos doutes sur la révélation. Elle l’éclaire d’une lumière nouvelle et permet d’en pénétrer les mystères. Aussi, est-il judicieux, pour nous, de nous laisser toujours éclairer par la lumière de la résurrection pour interpréter la parole de Dieu et en saisir le sens. Une lecture littérale de la parole ne permet pas d’en déceler le message profond qui nous est adressé. Nous sommes des croyants postpascals et pentecostals. Ces deux mystérieux éléments constituent les deux faces d’une même pièce. D’ailleurs, c’est pendant ses apparitions que le Ressuscité avait soufflé sur les apôtres son esprit et les avait aussitôt envoyés en mission. Les Actes des apôtres montrent combien et comment la résurrection avait complètement changé leur vie. Leurs prédications sont, pour nous, des témoignages vivants de ce qu’ ils avaient entendu et vécu avec le Christ. Cela s’entend bien puisque leurs esprits et leurs yeux, jadis enfermés et aveuglés, avaient été ouverts à l’intelligence des écritures.
La résurrection nous ouvre également la voie à la vie éternelle. Elle éclaire d’une lumière nouvelle la parole du Christ : Je suis venu pour que vous ayez la vie en abondance. (Jn 10,10) Celui qui mange de ce pain que je donne et croit en moi, aura la vie éternelle. (Jn 6, 51) Je suis la résurrection et la vie, disait-il à Marthe. Qui croit en moi, vivra même s’il meurt. (Jn 6, 25-26) Ces paroles deviennent davantage véridiques à la résurrection de Jésus. S’il avait livré son corps et versé son sang pour la multitude, c’est qu’il avait été également ressuscité pour que cette multitude ait la vie éternelle. C’est ici que Dieu se révèle vraiment Dieu, car Il est le seul à pouvoir encore agir là où l’homme s’avoue impuissant et vaincu. C’est Dieu qui ressuscite et donne la vie – éternelle – après la vie – terrestre. Voilà, une des raisons fondamentales de croire. Nous pouvons faire droit au pari de Blaise Pascal sur la foi. Si croire donne accès à la vie éternelle, on gagne en croyant et on perd à ne pas croire. Et si, finalement, croire n’aboutit pas à la vie éternelle, on ne gagne rien en ayant cru et on ne perd rien non plus en n’ayant pas cru. Aussi, y-a-t-il intérêt à croire qu’à ne pas croire.
La résurrection fonde et nous donne toutes les raisons d’espérer et d’agir pour un monde meilleur. Elle nous rend optimistes plutôt que pessimistes et fatalistes. En ressuscitant Jésus, Dieu a montré à la face du monde et de l’humanité toute entière que c’est Lui et non pas l’homme, qui a le premier et le dernier mot. Là où l’homme se révèle impuissant, IL continue d’agir. Là où c’est la fin pour l’humain, c’est le début et/ou la continuité pour Dieu. Là où il détruit, Dieu construit. Une lueur d’espoir pointe toujours à l’horizon pour le croyant. Elle lui fait nourrir la conviction qu’autant l’humain a la capacité de démolir, autant, il ne parviendra pas à détruire l’humanité entière puisque le dernier mot revient à Dieu. Sans abandonner, ni laisser l’humain à son propre sort, Il compte sur lui pour transformer l’humanité de l’intérieur. En s’attachant à Lui, l’homme se dote de toutes les raisons pour édifier une société éprise de paix, régentée par les valeurs évangéliques.
La résurrection apporte aux croyants la joie de vivre. Ils savent que, désormais, ils ne sont plus seuls. Le même Dieu qui s’est fait homme, et devenu leur compagnon de route, a été crucifié mais a été aussi ressuscité. De ce fait, sa présence invisible mais réelle dans la foi, est pérennisée. L’époux qui a été enlevé à l’Église, lui a été restitué. Le vide est comblé par la présence du Ressuscité. Les croyants ne doivent plus se sentir abandonnés. Ils sont rassurés par la compagnie permanente du Christ. C’est malheureux de les voir tristes, maussades, découragés, déprimés et sans goût ni raisons de vivre. C’est un contre-témoignage à la foi, l’espérance et la résurrection. Comme tout humain, ils traversent et connaissent des épreuves. Mais ils sont mus par la conviction de les surmonter avec Celui qui a vaincu la mort. Une raison de plus pour être toujours joyeux. C’est cette intense et intérieure joie qu’apporte le Ressuscité que je vous souhaite en cette période pascale.
Denis KIALUTA LONGANA