Homélie pour le Jour de Commémoration de Tous les Défunts (2 Novembre 2025)

Frères et Sœurs dans le Christ,

Nous voici rassemblés, en ce dimanche dédié à la prière fervente pour tous ceux qui nous ont précédés auprès du Père. Notre méditation, en ce jour de souvenance et d’espérance, s’articulera autour de trois axes fondamentaux :

  1. Le Dessein Éternel de Dieu pour toute créature humaine.
  2. Le Devenir de ceux qui nous ont quittés.
  3. Le Destin des vivants, encore en pèlerinage sur cette terre.

I. Le Dessein Éternel de Dieu

Interroger le Dessein de Dieu pour l’être humain, c’est chercher à connaître la destination ultime qu’Il a réservée à chacune de Ses créatures. Pour cela, notre seule boussole demeure Sa Sainte Parole.

Il serait impensable d’imaginer un seul instant que le Créateur ait pu enfanter le monde pour y voir souffrir ses créatures. Si tel avait été Son vouloir, Il eût été plus avisé de ne point créer. Comment le ferait-Il, Lui qui, étant radicalement Bon, a vu que Son œuvre était belle et souverainement bonne ? Un Être de Bonté absolue ne peut vouloir que le bien de et pour Ses créatures.

Le Christ Lui-même nous l’a confirmé dans les Évangiles : « Si donc, méchants comme vous l’êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les Lui demandent. » (Mt 7, 11). Et Il nous exhorte : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » (Mt 5, 48).

En créant toutes les espèces vivantes, Dieu S’est manifesté comme le Donateur de la Vie et Celui qui en est le Garant suprême. N’observons-nous pas que l’ensemble de la Création concourt à la perpétuation du souffle vital ? De toutes Ses œuvres, l’homme est doté d’un statut singulier et privilégié. Seule espèce créée en dernier lieu, à Son Image et à Sa Ressemblance, l’homme fut pourvu d’une intelligence supérieure, d’un langage articulé, et d’un cœur capable d’aimer. C’est à lui, enfin, que fut confiée l’intendance de la Création avec une mission précise. À bien y regarder, la Création elle-même constitue une véritable culture de la Vie.

Il apparaît donc avec clarté que nous fûmes créés pour vivre et que nous sommes voués à la Vie. Le Dessein divin est que tout humain vive à jamais. La Création n’est point seulement la matrice de la vie, mais aussi le germe initial du Salut. Créer, c’est donner, bâtir, cultiver la vie ; c’est aussi sauver et préserver cette existence.

En attribuant à Dieu la qualité de Sauveur, nous reconnaissons Sa nature profonde : en tant que Créateur, Il est aussi Rédempteur et, partant, Libérateur et Donateur de Vie. Telle est la raison pour laquelle Il est venu au monde, revêtant la condition humaine : « Je suis venu, afin que les brebis aient la vie, et qu’elles l’aient en abondance » (Jn 10, 10). Saint Paul le réaffirmait aux Thessaloniciens : « Cela est bon et agréable devant Dieu notre Sauveur, qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. » (1 Tm 2, 3-4).

Nous pouvons donc conclure avec assurance que la culture de la mortn’est point de l’ordre divin. Dieu ne condamne personne à la mort, mais toujours à la Vie. C’est ce qui explique pourquoi l’homme s’attache si ardemment à l’existence, cherchant sans cesse à l’améliorer. En somme, le Dessein de Dieu pour l’humanité est la continuation ininterrompue de la Vie.


II. Le Devenir de Ceux qui nous ont Quittés

La tradition religieuse, qu’elle soit juive, chrétienne ou musulmane, attribue aux défunts trois devenirs possibles : le Paradis, le Purgatoireou l’Enfer. Le Paradis représente la destination suprême des pèlerins terrestres, lieu de la félicité éternelle où l’on partage l’éternité divine. Le Purgatoire est parfois envisagé comme un lieu d’attente et de purification pour les âmes avant l’accession à la félicité. L’Enfer, quant à lui, est le lieu du supplice éternel, réservé à ceux qui, ici-bas, ont délibérément tourné le dos à la grâce de Dieu. Les non-croyants, pour leur part, estiment que la vie s’anéantit définitivement avec la mort.

Quelles que soient les orientations de nos croyances particulières, et sans anticiper sur le sort de chacun qui relève de la discrétion absolue de Dieu, une chose demeure certaine : nous ne sommes pas voués à la mort, mais à la Vie. Sans exclure la possibilité de l’Enfer – car il est la conséquence tragique d’un choix libre et définitif contre l’Amour –, nous pensons que la damnation perpétuelle à la souffrance ne saurait correspondre au Dessein salvifique de Dieu qui veut l’humanité sauvée. Ce salut, inconditionnel en amont (par la grâce), est soumis en aval à une unique condition : l’Amour. Celui qui aura vécu de l’Amour en ce monde se prédispose à l’éternité de Dieu.

Dieu veut certes le salut de tous, mais Il n’impose point Sa grâce. Il offre à toute créature la liberté de choisir entre la Vie et la mort éternelle. Moïse nous le rappelle : « Vois, je te propose aujourd’hui la vie et le bien, la mort et le mal […] Choisis donc la vie en aimant Yahvé. » (Dt 30, 15-19). Notre destinée dépend donc, en partie, des choix souverains et des options éthiques que nous levons au regard du message divin. Cependant, le Salut n’étant pas une question de mérite personnel mais une grâce surabondante de Dieu, il dépend essentiellement de l’ouverture que l’humain consent à Lui accorder. S’Il nous a créés sans nous, Il ne nous sauve point sans nous.

Quant à la notion de Purgatoire, elle suscite la méditation. Dieu se situant hors du temps et de l’espace, Il est pour nous éternel. Nous, qui baignons dans la temporalité, ne pouvons nous empêcher de questionner : Combien de temps dure ce moment de purification ? Où se déroule-t-il ? Si, comme l’affirment le psalmiste et Saint Pierre, « un jour est comme mille ans et mille ans sont comme un jour » (Ps 90 ; 2 P 3, 8), la question de la durée perd-elle sa pertinence. Au vu du suspens métaphysique qu’imposent ces interrogations, ne convient-il pas de s’en tenir à cette conviction inébranlable : « Le sort de la vie du juste est entre les mains du Seigneur. » Puisque le Purgatoire est appréhendé comme un ultime passage de purification avant le Paradis, la question de sa durée s’estompe. La foi chrétienne a d’ailleurs ouvert une brèche lumineuse à l’instant même du Salut, par la parole du Christ en Croix au bon larron : « Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le Paradis. » (Lc 23, 43).


III. Le Destin des Vivants

Si le Salut se propose sans jamais s’imposer, la Foi en la Résurrectionest, elle aussi, une option à lever pour qu’elle devienne une conviction profonde et solide. C’est la certitude que le Christ est ressuscité des morts qui fonde et structure notre foi. Saint Paul le disait sans ambages aux Corinthiens : « S’il n’y a point de résurrection des morts, Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est donc vaine, et votre foi aussi est vaine » (1 Co 15, 13-14).

Forts et assurés de cette foi, nous sommes réunis en cette assemblée eucharistique pour rendre grâce à Dieu pour le don de la Vie qu’Il a daigné nous offrir. La Résurrection du Crucifié signifie qu’à Sa suite, la Vie se poursuit, mais auprès de Dieu.

Dans cette perspective, la mort n’est plus qu’un passage de la vie temporelle à l’éternité. Elle nous permet de réaliser notre propre Pâques, notre propre traversée. Le Christ fut d’une clarté totale en comparant la mort au sommeil : « Votre fille n’est pas morte. Elle dort », disait-Il à la famille de Jaïre (Mc 5, 39). De même qu’après un sommeil naturel l’on se lève, de même après le sommeil de la mort, Dieu seul nous réveille, car Il veut sauver toutes Ses créatures. « Je m’en vais vous préparer une place, afin que là où Je suis, vous y soyez aussi. Que votre cœur ne se trouble point. » (Jn 14, 2). Notre destin final réside auprès de Dieu. On ne ressuscite pas pour continuer d’exister ici-bas, mais pour partager l’éternité divine.

La foi en la Résurrection nous confère la certitude inaltérable qu’étant temporels, vivants dans un monde qui passe et où tout s’écoule, nous sommes appelés à une autre vie après celle-ci. Nos défunts proches ont franchi ce cap. S’ils bénéficient du bonheur éternel, notre prière ne doit plus s’orienter vers notre intercession en leur faveur – puisqu’étant auprès du Très-Haut, ils jouissent de Sa plénitude – mais vers leur intercession pour nous, vivants en pèlerinage sur terre, afin qu’un jour, nous nous retrouvions avec eux.

Si les vivants prennent conscience de leur état de créature, soumise à la loi de la mort mais vouée à la Vie, ils devraient relativiser les biens de ce monde, sans pour autant les négliger. Ces biens sont essentiels car la vie terrestre les requiert, mais leur portée ne saurait excéder leur utilité et leur stricte nécessité. L’ultime moment de notre passage vers l’éternité démontre avec force que seule la Perspective de Dieu se pointera à notre horizon, et que tous les royaumes et empires terrestres que nous nous serons bâtis resteront derrière nous. En définitive, seule une existence jalonnée et parsemée d’Amour, d’Éthique et de Spiritualité profonde est susceptible de nous faire espérer l’héritage du Royaume de l’Éternité.

DENIS KIALUTA

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *