Les pièges des temps fort

La liturgie nous propose deux temps forts pour nous préparer spirituellement à vivre les deux mystères liés à la vie de Jésus, à savoir : le mystère de l’incarnation et celui de la rédemption. C’est l’avent qui nous guide spirituellement à assumer la révélation de l’incarnation. Le carême nous prépare à vivre le mystère de la rédemption. Cette préparation consiste à la conversion des cœurs. Pendant la période de l’avent, (4 semaines), la figure et le message de Jean Baptiste, prophète précurseur de Jésus, sont mis en vigueur. Son invitation à la conversion relaie celle de ses prédécesseurs, notamment le prophète Isaïe, s’est traduit par un appel pathétique : aplanissez le chemin du Seigneur. (Jean 1, 23). La période de carême est traversée de bout en bout par les appels à la conversion. Revenez au Seigneur sera le refrain que nous entendrons durant ces quarante jours. L’appel à la charité, au jeûne et à la prière sera également intensifié. 

Mais, il y a un piège que nous devons éviter à tout prix. Les deux moments forts de la liturgie sont limités dans le temps. L’avent commence juste après la fête du Christ roi et se termine par la solennité de Noël tandis que le carême commence le mercredi de cendres pour se terminer avant le dimanche des rameaux. Cependant, la vie avec le nouveau-né, ni avec le crucifié-ressuscité ne s’arrête pas tant qu’on est sur la terre. Elle continue jusqu’à notre mort. Le risque, c’est de mettre les bouchées doubles pendant ces périodes pour relâcher après. Les recommandations, les appels à la conversion ne s’arrêtent pas avec l’avent, encore moins avec le carême. Les mystères de Noël et de Pâques ne mettent pas fin à l’élan pris pendant les périodes qui les ont précédés. Bien au contraire, ils en assurent la continuité vu qu’ils ne se dévoilent que par l’écoute et la pratique de la Parole. C’est dire donc qu’après l’avent et le carême, c’est toujours le l’avent et le carême non pas du point de vue de leurs significations mais plutôt de la proximité avec le Seigneur

Dans cette perspective, c’est toute notre vie qui est avent et carême puisque nous sommes suspendus et tenus en haleine à l’arrivée et à l’attente eschatologique du crucifié-ressuscité. Nous oscillons entre le déjà là et le pas encore. Il est déjà venu et il reviendra encore. L’anamnèse nous le fait rappeler à toutes les eucharisties. “Nous célébrons ta mort et ta résurrection et nous attendons ta venue dans la gloire.” Les célébrations des mystères du Christ ne nous font pas ressasser un passé révolu mais nous mettent en tension vers un avenir eschatologique, c’est-à-dire, la parousie, la seconde venue et arrivée de Jésus dans sa gloire sur la terre pour nous sauver. Telle est la finalité de toutes les célébrations liturgiques. 

De ce point de vue, avent et carême, comme moments forts de la liturgie, deviennent des temps forts de toute notre vie car nous ne savons pas quand interviendra la parousie. Le crucifié-ressuscité ne nous l’a pas révélé. Il nous a tout simplement recommandé de veiller en vivant ce qu’il nous a enseigné lors de sa première venue, en consolidant notre foi, en adhérant et assumant sa résurrection. Dans ce sens, le jeûne prend aussi une autre signification donnée par Jésus lui-même. Sa réplique au reproche qui a été fait à ses disciples par les pharisiens et les scribes, mérite une profonde réflexion. Pouvez-vous faire jeûner les invités de la noce, pendant que l’Époux est avec eux ? Mais des jours viendront où l’Époux leur sera enlevé ; alors, en ces jours-là, ils jeûneront. (Luc 5, 33-39) C’est le vendredi saint que l’époux leur a été enlevé. 

C’est dire qu’il ne s’agit pas seulement d’un acte de privation (se priver à manger… et/ou d’abstinence) mais d’assumer les conséquences de notre foi, d’accomplir le bien dans le monde. Celui qui fait le bien, jeûne ipso facto puisqu’aucun bien ne se réalise sans sacrifice, donc sans renoncement. Le plus grand bien que l’on doit spirituellement et moralement accomplir, c’est l’amour. En nous aimant, Jésus nous a donné sa vie, réalisant ainsi sa Parole: il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie à ceux que l’on aime. (Jean 15) La croix est une preuve patente de cet amour. Voilà pourquoi, elle est devenue, depuis Jésus, le symbole d’un grand amour, conduisant à la résurrection. Celui qui porte sa croix jusqu’au bout, accomplit aussi le jeûne. De Kinshasa où je gîte sous un soleil accablant, je vous souhaite une bonne période de carême. Que ces images de mon école suscitent en vous les gestes de solidarité.

Denis KIALUTA LONGANA

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